Events 2024

Concept LC 2.0

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Oct. 30
Lecture

Produire des informations sur Le Corbusier, le Mouvement Moderne et la Villa « Le Lac » en adéquation avec la réalité.
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Maintained

Lieu
Jardin de la Villa
Villa « Le Lac » Le Corbusier
Route de Lavaux 21
CH–1802 Corseaux

Date
Mercredi 30 octobre 2024 à 14h00
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​​​​​​​Météo
Reporté en cas de pluie. 

Informations complémentaires
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Avec le soutien de l'APEC.
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En écho à la Conférence de Gothenburg (2019) sur les mythes et réalités autour de la Villa « Le Lac », le Concept LC2.0 est initié lors de la Conférence de Cap Moderne le 9 août 2022 à Roquebrune Cap-Martin, jour anniversaire d’Eileen Gray. 

Le Concept LC2.0 vise à remettre les pendules à l’heure : communiquer les faits, corriger les informations inexactes, démonter les thèses mensongères et diffamatoires. Il s’agit de mettre en œuvre un travail d’historiens produisant des comptes-rendus clairs, documentés avec sérieux et accessibles à tout public. Un travail de fond basé sur des sources contextualisées et analysées à la lumière de la connaissance approfondie d’une époque aussi complexe que celle des années 1920 à 1950.

Le Concept LC2.0 démontre la vulnérabilité de la « mécanique de l'information » à l'ère d'Internet et la manière dont des auteurs, des cinéastes, des journalistes et des commissaires d'expositions peu scrupuleux ont pu diffuser des informations discutables, erronées, diffamatoires ou calomnieuse. Et le public y croit – preuve que le bouc émissaire reste, encore au 21e siècle, un acteur nécessaire à la société. 

​​​​​​​Les réseaux sociaux et ses « légions d’imbéciles » (cit. Umberto Eco) participent du phénomène : l'effet de meute, l'époque favorable à la stigmatisation et ce désir irrépressible de devenir lanceur d'alertes a contaminé les acteurs de tous les médias. Tant et si bien qu'il se trouve aujourd'hui des productions qui investissent beaucoup d’argent dans des films ineptes faisant état notamment d'une improbable jalousie de Le Corbusier à l’endroit d’Eileen Gray, mêlant propos arrachés de leur contexte et faits inventés de toutes pièces. Des affabulations qui hésitent encore entre folklore et dystopie.

​​​​​​​​​​​​​​Rappelons que rien, aujourd'hui, ne permet d'attester qu'Eileen Gray et Le Corbusier se soient jamais rencontrés. Rappelons que les fresques que peint Le Corbusier à la Villa E 1027 en 1938-1939 sont une commande de Jean Badovici à Le Corbusier. Rappelons que la maison appartient à Jean Badovici et non à Eileen Gray. S'il y avait une autorisation à demander pour peindre les fresques, c'est Jean Badovici qui aurait dû la demander à Eileen Gray. Rappelons qu'Eileen Gray a quitté la Villa E 1027 en 1932, soit 6 ans avant l'intervention de Le Corbusier. Rappelons qu'au début de l'histoire, l'architecte, c'est surtout Jean Badovici ; si Eileen Gray a réalisé quelques aménagements intérieurs, elle s'est surtout fait connaître pour ses meubles laqués Art Deco – qui lui ont apporté notoriété et aisance financière (qui lui permet de financer E 1027). Rappelons qu'Eileen Gray a eu son heure de gloire, comme en témoignent les commandes prestigieuses qu'elle a obtenues de clients de renom. Rappelons que la Villa E 1027 est littéralement un copier-coller de la Villa «Le Lac» puisque Le Corbusier donne à son ami Jean Badovici, également directeur de la revue L'Architecture vivante, les plans d'exécution de la Villa « Le Lac » avec toutes les cotes (coupes, axonométries, dessins, croquis et photos) pour les besoins d'un article qu'il publie dans sa revue en hiver 1925. Rappelons que ces plans et documents relatifs à la Villa « Le Lac » ont été retrouvés dans les archives personnelles d'Eileen Gray (aujourd'hui conservées au National Museum of Ireland). Rappelons que si Jean Badovici se rêve en Gatsby Le Magnifique, dans une grande et belle maison, Eileen Gray aurait préféré un petit nid d'amour pour elle et pour son chéri de 15 ans son cadet (en 1926, il a 33 ans, elle en a 48), petit nid d'amour qu'elle ira construire un peu plus tard, à Castellar, perché très loin au-dessus de Menton, notamment parce qu'elle préfère les femmes. La montée à Castellar est longue et ardue (1h30 à pied), mais l'effort est récompensé quand on découvre que cette maison s’inspire elle aussi (c'est un euphémisme) de la Villa « Le Lac » à laquelle elle ressemble à s'y méprendre. 

Dans ce maelström corbusioclaste, Charlotte Perriand n'est pas en reste puisqu'elle est souvent apprêtée à cette sauce... Mais un million de Chandigarhiens témoignent de son amitié avec Le Corbusier. À ce titre, l'histoire de la conception de la chaise longue à réglage continu (LC4) est édifiante. Il faut réaffirmer que Le Corbusier n’attend pas Charlotte pour faire de l’aménagement intérieur et du mobilier. Dès l’année 1922, Le Corbusier s’intéresse aux chaises longues. Et il dessine les premières esquisses de la chaise longue à réglage continu 6 mois avant même qu'ils sache que Charlotte Perriand existe. Une source d'inspiration de cette chaise emblématique du design des années 1920, cette icône universelle de l'avant-garde, est un fauteuil de dentiste. Il se place dans la lignée du Fauteuil Surrepos du Docteur Pascaud vers lequel Le Corbusier orientera Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret pour finaliser la chaise longue à réglage continu, réalisée "à six mains" comme l'écrira et le dira Charlotte Perriand à maintes reprises (notamment devant des journalistes qui insistent pour n'y voir que son travail – exclusivement), et présentée sous les trois nom Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand, au Salon d'automne de Paris en 1929.


​​​​​​​Pour aller plus loin, deux ouvrages de référence :

Le Corbusier, Polémiques, mémoire et histoire. Rémi Baudouï et alii.
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Le Corbusier (1887-1965) est l'un des plus grands architectes du XXe siècle connu entre autres pour la conception de la Cité radieuse de Marseille. Il est aussi plasticien, urbaniste, et designer. Mais au fil des ans et des publications, on le qualifie régulièrement de réactionnaire, de vichyste, de bolchevique voire d'antisémite. En 2015, la grande exposition Le Corbusier organisée au centre Pompidou cinquante ans après le décès de l'architecte à Roquebrune Cap-Martin relance une vive polémique. Ses détracteurs accusent l'architecte de la modernité d'avoir été fasciste et d'avoir cherché à travailler pour le gouvernement de Vichy. Pour y voir clair, la Fondation Le Corbusier et le centre Georges-Pompidou ont demandé à d'éminents spécialistes, historiens de l'architecture contemporaine, philosophes et spécialistes des années 1930 et 1940 de restituer l'itinéraire et la pensée de cet architecte sans égal qui a répondu aux demandes de son temps. Voici le fruit de ces analyses qui permettent de montrer toutes les facettes de la personnalité de Le Corbusier sans rien cacher ni dissimuler.Rémi Baudouï, historien et politiste, est professeur ordinaire à l'Université de Genève. Il travaille depuis plus de vingt ans sur Le Corbusier et son oeuvre.

Rémi Baudouï, historien et politiste, est professeur ordinaire à l'Université de Genève. Il travaille depuis plus de ving-cinq ans sur Le Corbusier et son œuvre.  
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Le Corbusier fasciste ? Dénigrement et mésusage de l'histoire. Robert Belot
L'architecte urbaniste le plus connu au monde, qui fut l'incarnation du Mouvement Moderne au XXe siècle, n'a pas échappé à la mode de ce populisme imprécateur de la mémoire qui, au nom de la morale, déboulonne les statues et détrône les grandes figures de l'histoire. À l'occasion du 50e anniversaire de sa mort, et alors qu'était lancée une procédure d'inscription de son œuvre sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, un tir groupé d'ouvrages a transformé Le Corbusier en « fasciste », en « collaborateur » du régime de Vichy, voire en « nazi ».
André Malraux, dans l'oraison funèbre qu'il a prononcé à son « vieux maître », le 3 septembre 1965, déplorait qu'« aucun n'a été si longtemps, si patiemment insulté » que lui. Mais il pensait que « la gloire trouve dans l'outrage son suprême éclat » et que « cette gloire-là s'adresse à une œuvre plus qu'à une personne, qui sy prêtait peu. » Il se trompait : c'est à sa personne et à sa pensée qu'on s'attaque, à partir du rôle politique que l'architecte franco-suisse aurait joué à Vichy.
Quel a vraiment été ce rôle? Telle est la question à laquelle se propose de répondre ce livre, à partir d'une démarche historienne distanciée et documentée. 
​​​​​​​En analysant cette campagne de dénigrement, il s'agit de dévoiler les biais cognitifs et méthodologiques qui traversent le discours des « redresseurs de morts », d'identifier les déficits de connaissance et les manipulations qui, au nom de l'exigence de démystification, témoignent d'abord d'une volonté de salir plutôt que de savoir.

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Robert Belot est professeur d'histoire contemporaine, titulaire de la Chaire européenne Jean Monnet «Europa». Il est directeur du département des patrimoines culturels à l'Université Jean Monnet (Saint-Etienne). C'est un spécialiste reconnu de l'histoire politique et culturelle de la Fance sous l'Occupation et de la construction socio-politique de la mémoire. 

 

Photos © FLC/ProLitteris